Voyages insulaires
Maitetxu Etcheverria
Exposition 30 novembre — 26 janvier 2020 → Centre Claude Cahun
Pendant deux années, en 2016 et 2017, Maitetxu Etcheverria a photographié les îles de l'estuaire de la Gironde.
L'évènement initiateur de ce travail a été, selon la photographe, la disparition de lîle de Trompeloup au large de Pauillac. Un tel point de départ marque le caractère mouvant et imprévisible de ce paysage, déterminé par les évolutions géologiques qui résultent des courants, marées et inondations – mais aussi par l'activité humaine, car l'érosion des berges et des îlots a pu être accélérée par les travaux d'aménagement du fleuve afin d'y faciliter la navigation. L'activité viticole s'est développée au XIXème siècle dans ces îles, mais le recul du vignoble au profit d'autres cultures a entraîné au XXème siècle le départ de la population et la fin de l'entretien de ces paysages, jusqu'à leur abandon progressif. Le projet photographique de Maitetxu Etcheverria mêle et fait dialoguer un travail sur le paysage naturel et une série de portraits des jeunes travailleurs agricoles saisonniers qui viennent cultiver le dernier domaine viticole insulaire. Au-delà de l'intérêt documentaire, historique et géographique, que peuvent présenter ces images, Maitetxu Etcheverria fait ici oeuvre de photographe et c'est avant tout sur sa démarche de paysagiste qu'il convient de s'interroger, en rappelant d'abord que le terme de « paysage » (paesaggio, paisaje) utilisé en Europe après 1550 désigne au départ la représentation de la nature et non sa contemplation in situ. Le paysage est donc initialement le tableau de la nature, une invention culturelle qui donne forme à notre rapport à la nature, selon différents modèles, effets esthétiques et registres de temporalité liés à la vie humaine, aux saisons, au temps géologique voire au temps sacré ou mythique.
Réalisée au moyen format argentique, cette série de photographies s'attache à restituer dans toutes ses nuances un paysage dont la particularité est son caractère sauvage, fluide, mélange d'éléments filtré par une atmosphère humide où la lumière se dissémine. Pour autant, ce n'est pas l'impressionnisme, avec sa recherche d'une diffraction des formes par l'effusion des lumières et des couleurs, qui en constitue le modèle pictural. C'est bien plutôt du côté de la peinture classique, celle du XVIIème siècle franco-italien, qu'il faut se tourner pour comprendre ce qui anime ces photographies : importance de la composition et du dessin du paysage, ampleur de la vue, précision du détail non seulement des formes mais des gradations de couleurs et de lumières jusqu'aux lointains. De ce point de vue, l'oeuvre de Claude Lorrain constitue sans doute la matrice idéale de la représentation de la nature recherchée par Maitetxu Etcheverria : chez ce peintre francais qui travailla essentiellement en Italie, le sujet mythologique ou religieux n'est que le prétexte à d'infinies recherches sur la lumière et la couleur. Toute son oeuvre est fascination pour les modulation infinies de l'air et de l'eau dans la lumière. Il consacrait d'ailleurs un temps considérable à l'observation de la nature, du lever au coucher du soleil, et innovait jusqu'à préparer et mélanger ses couleurs in situ, afin de tenir compte de la qualité de l'atmosphère dans laquelle s'exerçait sa perception. C'est cette même préoccupation qui est à l'oeuvre dans les photographies de Maitetxu Etcheverria, qui s'attachent d'abord à saisir une certaine qualité d'air et de lumière (tons mordorés de fin du jour, sfumato de la brume sur le fleuve...), comme si cette matière était la substance même de toute forme, infiniment graduée du premier au dernier plan de l'image, reflétée en miroir entre le ciel et l'eau. C'est par la lumière et la spécificité de sa réfraction dans l'air que se détermine la tonalité esthétique de ces photographies et que se montre la respiration des éléments, leur bruissement et leur ondulation.
Biographie
Maitetxu Etcheverria
Née en 1975 à Saint Jean de Luz, est diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux et de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, elle mène en France et à l’étranger des projets photographiques liés à l’homme et son environnement.
Infos pratiques
Centre Claude Cahun
45, rue de Richebourg
44000 Nantes
Mer.—Sam.: 15h—19h
Fermeture les jours fériés
Entrée libre