Centre Claude Cahun

pour la photographie contemporaine

Centre Claude Cahun

Vineta 1985 / 1990

Andreas Trogisch

Exposition 13 septembre — 16 novembre 2019 → Centre Claude Cahun

Exposition réalisée à l'occasion des « 30 ans de la chute du mur ». Un partenariat avec l'Institut Goethe de Paris et le centre culturel franco-allemand de Nantes pour commémorer cet événement historique.

Exposition associée dans le cadre de la 23ème édition de la Quinzaine Photographique Nantaise, du 13 septembre au 13 octobre 2019 à Nantes.

Exposition présentée dans le cadre d'une manifestation nationale organisée par le Réseau Diagonal ayant pour thème l'Engagement, de septembre 2019 à Janvier 2020.

Vineta 1985 / 1990 : le titre de cette série du photographe allemand Andreas Trogisch, intégralement réalisée à Berlin Est, nous introduit à une double temporalité. Celle de l'Histoire allemande et particulièrement de la ville de Berlin, définie par les dates de prises de vues qui cadrent une période entourant la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Mais aussi une autre temporalité plus diffuse et immémoriale incarnée par le nom de Vineta, une ville engloutie, sorte d'Atlantide de la Baltique, disparue de la vue de tous afin de punir l'arrogance de ses riches habitants, selon une légende médiévale bien connue en Allemagne de l'Est et matérialisée par le nom d'une rue de Berlin-Est : Vinetastrasse, dans le quartier de Prenzlauer Berg. C'est entre ces deux pôles, entre la réalité historique et la métaphore, que se dessine le projet à la fois documentaire et poétique d'Andreas Trogisch.

Ces photographies se déploient aussi entre deux catégories esthétiques : le portrait et le paysage urbain. Les portraits réalisés avant la chute du mur nous amènent à la rencontre de cette population qui, pour nous habitants de l'Ouest, semblait alors vivre une vie grise et limitée, sous une surveillance policière permanente. Les images d'Andreas Trogisch nous permettent de nuancer notre regard : si elles sont porteuses d'une forme de tristesse, d'austérité ou d'uniformité, on y découvre aussi une étrangeté et une liberté inattendues qui tout à coup y introduisent un éclat et une subtilité surprenants. L'harmoniciste au front ceint d'un bandeau en forme de papillon, le jeune garçon portant une tige de fleurs telle un trésor, le jeune homme romantique au jabot de dentelle sont autant de figures poétiques qui fissurent la représentation d'un monde présumé rigide et fonctionnel. Et ces hard-rockers aux blousons de cuir cloutés, ces jeunes filles aux coupes de cheveux newage, ne pourraient-ils déjà appartenir à l'imaginaire de l'Ouest ? Quant à ces nombreux enfants photographiés dans les allées où ils jouent, devant des murs de briques ou le fond sombre d'une cour, ne sont-ils pas le symbole de ce qui s'annonce pour toute une population : un avenir encore insondable, alors que le passé s'est déjà refermé sans qu'on le sache ? Ces photographies sont les derniers instants où Andreas Trogisch sauve ce qui va disparaître, tout en cherchant dans les regards interrogatifs le reflet d'un horizon inconnu. Un autre grand photographe de Berlin Est en activité à la même époque, Manfred Paul, le dira ainsi : « J'ai vraiment senti que ce que j'avais devant les yeux était seulement temporaire, que ce monde ne serait plus là pour très longtemps. Photographier avait peut-être un rapport avec le besoin inconscient d'éviter que les choses soient perdues. »

Les paysages urbains de 1990 sont le contrepoint de ces images annonciatrices : on y lit ce qui est déjà passé. Le mur est tombé et Vineta semble désertée par ses habitants. Ces photographies mettent en scène ce qui a suivi immédiatement la chute du mur de Berlin : l'exode massif de ses habitants vers l'Ouest, à la recherche de leurs familles, de leurs amis et d'un monde nouveau. Le photographe britannique Mark Power a lui aussi raconté (dans son livre Der Mauer ist Weg !) sa traversée hallucinée d'un Berlin Est désert au lendemain de la chute du mur, jusqu'à la tombe de Bertolt Brecht devenue symboliquement celle du régime communiste. Les paysages d'Andreas Trogisch, à côté de la délicatesse de ses portraits, nous permettent d'appréhender l'immense qualité formelle de ses compositions, où la géométrie et la lumière viennent transcender la pauvreté apparente des architectures fonctionnelles. Ils décrivent la forme d'une ville mais sont aussi l'archive d'une histoire qui se lit sur les murs, du passé proche (« Wir sind ein blödes Volk », nous sommes un peuple d'idiots) à l 'avenir en marche : « NEU : test the West ! », enjoint une publicité pour une marque de cigarettes. Une flotte de Trabant qui semblent abandonnées devant des immeubles anciens suggère, en une sorte de nature morte urbaine et dans un raccourci saisissant, toute l'histoire de Berlin du XIXème siècle à la chute du mur, cette ruine instantanée d'un modèle politique et de son symbole le plus matériel. Une image parmi ces photographies est peut-être plus symbolique que tout autre. Elle représente une jeune fille serrant entre ses mains une petite plante en pot. On peut lire dans ses yeux toute la mélancolie d'un monde qui va disparaître. Et voir dans ses mains la promesse d'une floraison nouvelle, l'avenir d'une ville autrefois engloutie.

Biographie

Andreas Trogisch
Né en 1959 à Riesa / Elbe, vit et travaille actuellement à Berlin.
Il enseigne à la Ostkreuzschule Berlin.
En 1978, il obtient le Diplôme d'études secondaires au Runge-Gymnasium Oranienburg puis en 1984-1989, il étudie le graphisme et la photographie au FWG Berlin Schöneweide avec Manfred Paul, photographe et obtient son diplôme en 1989. Depuis il se consacre à son travail photographique. Il a participé à de nombreux festivals en Europe et expose dans des galeries et musées européens. Il a publié plusieurs livres dont « Vineta », livre éponyme, paru en 2016 parallèlement à sa grande exposition «Vineta» au musée Tempelhof, Berlin.

Infos pratiques

Centre Claude Cahun
45, rue de Richebourg
44000 Nantes

Mer.—Sam.: 15h—19h
Fermeture les jours fériés
Entrée libre